Le sort de Haidar crée des tensions entre l'Espagne et le Maroc
Le Monde - La tension commence à monter entre l'Espagne et le Maroc au sujet d'Aminatou Haidar, une militante sahraouie qui observe, depuis le 16 novembre, une grève de la faim à l'aéroport de Lanzarote, aux Canaries, en Espagne, après avoir été expulsée du Maroc.
Le Monde Le sort de la Sahraouie Aminatou Haidar, en grève de la faim, crée des tensions entre l'Espagne et le Maroc4 Decembre 2009 Par Jean-Jacques Bozonnet
Porte-voix des partisans de l'indépendance du Sahara occidental, cette femme de 42 ans a été arrêtée le 13 novembre à l'aéroport d'El-Ayoun, chef-lieu du Sahara occidental, à son retour d'un voyage à New York où elle a reçu, pour son action en faveur des droits de l'homme, le prestigieux Prix du courage civique de la Train Fundation. Sur sa fiche d'entrée, l'activiste avait inscrit qu'elle était résidente au Sahara occidental. La provocation a été interprétée comme "un déni de sa nationalité marocaine" par les autorités du royaume chérifien qui lui ont confisqué son passeport avant de la placer dans un avion à destination des Canaries.
Dépourvue de document d'identité, Aminatou Haidar est bloquée à Lanzarote ; sa situation ressemble de plus en plus à une impasse diplomatique pour Madrid. Plusieurs initiatives du ministère des affaires étrangères ont été rejetées, tant par l'activiste et son entourage que par Rabat. Mme Haidar a ainsi refusé un statut de réfugiée politique, et même la citoyenneté espagnole que le gouvernement a proposé de lui accorder "à titre exceptionnel". La militante proche du Front Polisario a jugé la proposition "triste et inacceptable", estimant qu'elle faisait le jeu des autorités marocaines.
Celles-ci ont opposé une sèche fin de non-recevoir aux demandes de Madrid - d'abord informelles, puis, depuis jeudi 3 décembre, par "note verbale" - de remettre un document d'identité à Mme Haidar "afin qu'elle puisse voyager".
Pour le ministre marocain des affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri, l'activiste s'est mise elle-même dans cette situation : "Elle doit assumer seule les conséquences juridiques et morales de son comportement." Le consul du Maroc aux Canaries a assuré que Mme Haidar recevrait son passeport "dans la demi-heure" si elle "demandait pardon au roi de Maroc".
Face à l'intransigeance de Rabat, l'Espagne a sollicité la médiation du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon. Les Espagnols espèrent aussi le soutien dans ce dossier des Etats-Unis, qui se sont déclarés "préoccupés" par l'état de santé d'Aminatou Haidar après vingt jours de grève de la faim. La militante indépendantiste, qui fut lauréate du prix Robert-Kennedy pour les droits de l'homme en 2008, connaît des problèmes de santé après des séjours dans les prisons marocaines, de 1987 à 1991, puis en 2005. Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est administré par le Maroc depuis 1975. Rabat n'est officiellement pas opposé à accorder une large autonomie à ses "provinces du Sud", mais le Front Polisario, soutenu par Alger, réclame un référendum d'autodétermination. Madrid a rappelé sa position en faveur d'une solution "juste et acceptable pour toutes les parties" qui respecte "le droit à la libre détermination du peuple du Sahara occidental."
Début novembre, pour le 34e anniversaire de la Marche verte commémorant l'annexion du Sahara occidental, le roi Mohammed VI avait appelé à la fermeté "contre les adversaires de l'intégrité territoriale du Maroc", à savoir les activistes du Front Polisario et leurs sympathisants. "L'heure est à la clarté : ou on est patriote ou on est traître", avait-il menacé dans un discours radiotélévisé.
La dernière colonie d'Afrique
Depuis 1975, trois quarts du territoire du Sahara Occidental sont occupés par le Maroc. Une grande partie de la population originale vit encore dans des campements de réfugiés en Algérie. Ceux qui restaient dans leur pays originaire, sont subis aux violations graves des droits de l'homme, perpétrées par l'occupant marocain. Depuis plus de 40 ans les Sahraouis attendent l'exercice de leur droit légitime à l'autodétermination.
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