La première, c'est l'opinion du citoyen marocain ordinaire. Et c'est un point de vue qui se divise lui-même en deux. Le premier, c'est celui des citoyens qui ignorent tout du sujet, mais qui ont adopté l'approche du régime marocain sur la "marocanité" du Sahara. Ils n'ont pas nécessairement de mauvaises intentions, mais la manière dont le problème est présenté (par l'utilisation d'inexactitudes historiques) leur a fait croire que le territoire du Sahara n'est qu'une extension historique du Maroc. Pour le second, il concerne les citoyens qui savent que le Sahara ne fait pas partie du territoire marocain, mais ils préfèrent rester à l'écart, ne se préoccupant au fond que d'eux-mêmes.
La seconde grande opinion, c'est celle des intellectuels de la société marocaine. Cette catégorie sait mieux que personne que le problème du Sahara a été fabriqué par le régime afin d'ajuster la situation interne du Maroc (exclusion de l'armée, exclusion de toute tentative de réforme, au prétexte que le pays fait face à un danger qui menace la sécurité de son unité). Mais cette catégorie a préféré rester silencieuse pour éviter des poursuites entreprises par le gouvernement. Cela en raison de la férocité pour laquelle le régime était connu, en particulier sous le règne d'Hassan II.
En ce qui concerne le troisième point de vue, c'est celui des investisseurs majeurs au Maroc qui se sont toujours tenus derrière l'attachement de la monarchie au problème du Sahara. L'objectif de cette catégorie est de conserver ses profits, même s'ils sont pratiqués au détriment du Maroc. Certains parmi ces investisseurs opèrent dans le secteur des phosphates (en s'appropriant des phosphates du Sahara, en le rajoutant au phosphate du Maroc, ils peuvent ainsi garder le leadership dans le secteur), ils sont les fournisseurs de l'armée marocaine au Sahara (il y a plus de 200.000 soldats au Sahara, ils représentent un marché sûr ouvert à ceux qui monopolisent les produits alimentaires, les hydrocarbures, les poissons, les cigarettes, les pièces de rechange et différents types de services).
Au niveau international, les pays qui ont poussé Hassan II à envahir le Sahara - parmi lesquels la France, les Etats-Unis - même s'ils ont soutenu le Maroc, pratiquaient une politique n'ayant comme seule intention que de conserver l'instabilité dans la région de l'Afrique du Nord. Ils sont enchantés avec le statut quo.
De nombreux marocains nous ont habitués (dans tous les forums) à utiliser des expressions, comme le Sahara Marocain, les mercenaires et les dissidents du Polisario, les citoyens marocains emprisonnés à Tindouf et autres réflexions qui reflètent l'ignorance des auteurs de ces commentaires, avec pour toile de fond le conflit dans le Sahara.
Le Maroc n'a-t-il pas proposé un référendum ? Pourquoi il le refuse aujourd'hui, s'il était sûr que les Sahraouis allaient choisir le Maroc ? Pourquoi accepte-t-il la Minurso au Sahara si ce territoire était le sien ? Et les réfugiés sahraouis à Tindouf ? Sont-ils des fantômes ? Pourquoi le Maroc discute avec les membres du Polisario, si vraiment ces gens sont des mercenaires ?
On ne peut pas continuer à nier que la RASD est membre de l'UA, et 80 pays d'ailleurs, dont des pays arabes, comme la Mauritanie, la Libye, l'Algérie (3 pays du Maghreb sur 5), la Syrie, le Yemen,etc.. reconnaissent aujourd'hui la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) tandis qu'aucun ne reconnaît la légitimité du Maroc sur le Sahara... Le Royaume du Maroc se trouve seul contre tous. C'est drôle de voir certains parmi eux répéter "Le Maroc de Tanger jusqu'à Lagouira" malgré le fait que La Güera soit actuellement contrôlée par les autorités mauritaniennes avec l'accord du Polisario depuis la signature de l'accord de paix du 5 août 1979 qui a mis fin aux hostilités entre le Front Polisario et la Mauritanie.
Beaucoup de ces commentaires proviennent d'adolescents des banlieues françaises qui, à cause de leurs âges, ignorent entièrement la réalité du conflit. Mais ce qui est triste c'est le discours prôné par des éminents intellectuels à l'étranger connus par leur opposition au régime marocain. Ils sont progressistes démocrates, réformistes, mais, dès qu'il s'agit d'aborder le sujet du Sahara Occidental, ils sont plus royalistes que le roi et ils ne font que répéter des expressions insérées dans leurs esprits par le régime qu'ils contestent. Des expressions vides communes et des slogans adressés à la consommation locale comme l'expression "mercenaire du régime algérien". Est-ce qu'un mercenaire aurait résisté 34 ans ? Non, il s'agit de la cause d'un peuple opprimé convaincu de son droit. Grâce à cette conviction il a été capable de résister face à une puissante armée soutenue par les armes françaises, américaines, espagnoles, et les expertises israéliennes dans la construction des murs de défense, avec l'argent saoudien et émirati.
L'élite marocaine adore imputer à l'Algérie les échecs cuisants de la position officielle du Maroc à propos du conflit. Pourquoi oblige-t-on toujours le peuple marocain à imputer à l'étranger l'incendie qui embrase sa demeure? La position de l'Algérie n'a pas changé d'un iota que ce soit en 2009 ou lorsqu'elle a voté la résolution 2075 en 1965 sur le Sahara-Occidental.
Le peuple marocain, qui a donné une élite, tels Mokhtar Souissi, Mohamed Abed Al Jabiri, Tahar Ben Jelloun, Fatma Merini et autres, ne peut garder le silence devant la violence d'une rare sauvagerie dont ont été victimes les Sahraouis dans les universités marocaines et dans les territoires occupés du Sahara-Occidental.
Les intellectuels marocains, comment peuvent-ils accepter que leur pays continue à s'inscrire en faux contre les efforts de la communauté internationale et continue à se dérober de ses engagements internationaux en refusant une consultation référendaire démocratique? Le peuple marocain accepte-t-il de voir des femmes sahraouies de tout âge, parfois enceintes, malmenées, piétinées, assistant impuissantes à la répression féroce de leurs enfants qui finissent dans les cachots, loin d'elles? L'élite marocaine doit se débarrasser des discours officiels passés en boucle, telle une antenne, qui alternent chantages et menaces contre des ennemis qui n'existent que dans la propre imagination du gouvernement marocain.
C'est rarement qu'on rencontre un intellectuel marocain intègre et honnête envers le peuple sahraoui. Les violations des droits de l'homme ont été dénoncées par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève et par de nombreuses organisations internationales : Human Rights Watch, Amnesty International, "Fondation France Libertés", "Société internationale des droits de l'homme", "Mouvement international de jeunes et d'étudiants pour les Nations Unies", Fédération syndicale mondiale, etc. Mais les intellectuels marocains qui se prétendent soucieux de défendre les droits de l'homme au Maroc n'en disent pas un mot ! Les sahraouis sont considérés comme des ennemis à la solde de l'Algérie parce que ces élites sont bourrées de décennies de propagande du plus grand boucher de l'histoire du Maroc, Hassan II, et son héritier continue à alimenter cette haine contre le pays voisin. Le régime marocain a réussi à faire fantasmer les intellectuels marocains sur le sujet du Sahara.
Ali Lamrabet, le journaliste marocain intègre a été condamné par un tribunal de Rabat à 10 ans d'interdiction d'exercer son métier, tout simplement par ce qu'il a déclaré que les sahraouis ne sont pas séquestrés à Tindouf, comme le véhicule la propagande officielle. Si c'est à cause de la répression que les intellectuels ne peuvent exprimer leur solidarité, la moindre des choses qu'ils peuvent faire, c'est de le reconnaître et adopter le silence pour ne pas être complices du régime qu'ils dénoncent.
Nous, les Sahraouis, nous ne sommes ni marocains, ni mauritaniens, ni algériens... Nous sommes nous-mêmes : des Sahraouis. Le peuple marocain frère manipulé par le Makhzen fera mieux de combattre la monarchie qui le spolie de ses richesses et de sa dignité. Le peuple marocain et nous, sommes victimes au même titre de la tyrannie de ce régime féodal. Le magazine Forbes a publié dernièrement des statistiques déconcertantes : la fortune personnelle de Mohamed VI a atteint 2,5 milliards de dollars après avoir augmenté d'un milliard de dollars en 2008. La gestion des douze palais du roi du Maroc coûte un million de dollars par jour, soit pas moins de 365 millions de dollars par an. Une somme énorme dépensée essentiellement dans les vêtements et les voitures de luxe, alors que le PIB par habitant au Maroc est de seulement de 4000 dollars. Chaque année, l'Etat marocain verse 205 millions d'euros au roi. Dans un pays pauvre, cela est humiliant et assez pour refuser la nationalité marocaine.
Et il convient de rappeler qu'aucune force au monde ne peut annihiler la volonté d'un peuple, fût-il petit, et partant l'empêcher d'exister et de recouvrer sa liberté. Un règlement juste du conflit du Sahara Occidental va créer une atmosphère d'harmonie, de paix et de coopération entre les pays de la région et serait bénéfique pour tous les peuples de la région.
La dernière colonie d'Afrique
Depuis 1975, trois quarts du territoire du Sahara Occidental sont occupés par le Maroc. Une grande partie de la population originale vit encore dans des campements de réfugiés en Algérie. Ceux qui restaient dans leur pays originaire, sont subis aux violations graves des droits de l'homme, perpétrées par l'occupant marocain. Depuis plus de 40 ans les Sahraouis attendent l'exercice de leur droit légitime à l'autodétermination.
Selon nous, la première publication traitant des aspects jurisdiques du conflit du Sahara Occidental. Disponible en anglais et en français. Commandez le livre ici.