Le mandat de la MINURSO, le contingent des Nations Unies, doit inclure "la surveillance de la situation des droits de l'homme" au Sahara Occidental et dans les camps de réfugiés saharaouis de Tindouf (sudouest de l'Algérie). Cette mauvaise passe que traversent les droits de l'homme dans la région est d'ailleurs «intrinsèquement liée à l'impossibilité, jusqu'à ce jour, de résoudre cette question de l'exercice de l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental».
Trois ans après le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme et trois mois après l'ONG Human Rights Watch (HRW), le Parlement Européen se prononce à son tour sur cette ancienne colonie dont l'Espagne s'est retirée en 1975. Quoique formulées dans un langage plus nuancé, ses conclusions sont similaires. EL PAÍS a eu accès au rapport de la délégation avant sa publication. (Voir document ci-joint)
Elle appelle notamment l'Union Européenne à travailler, «par le biais des Etats membres qui participent au Conseil de Sécurité [la France et le Royaume Uni]», pour que la MINURSO puisse surveiller le respect des droits de l'homme. A la différence d'autres forces de maintien de la paix ailleurs dans le monde, la MINURSO n'a pas de compétences en cette matière.
Human Rights Watch s'était déjà prononcée, le 19 décembre à Rabat, pour un élargissement du mandat de la MINURSO » qui s'est déployée dans le territoire en 1991 pour organiser un référendum que les objections du Maroc n'ont pas permis de tenir. Au printemps 2006 le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme considérait déjà «indispensable» que les droits de l'homme fassent l'objet d'un suivi, mais son rapport n'a pas été publié à cause des pressions de la France, selon des sources onusiennes.
La délégation ad-hoc du Parlement Européen pour le Sahara Occidental, que préside l'ancien ministre des Affaires Étrangères chypriote, Ioannis Kasoulides, a entrepris les démarches pour enquêter dans la région fin 2005. Un an après elle a pu visiter Tindouf et plus de trois ans après, en janvier dernier, elle s'est finalement rendue à El Ayoune, la capitale du Sahara sous contrôle marocain.
Outre Kasoulides, trois députés européens en faisaient partie, Carlos Carnero (socialiste espagnol), Carlos Iturgaiz (Parti Populaire espagnol) et Luca Romagnoli (italien non inscrit). Leurs interlocuteurs marocains «ont mis à la disposition de la délégation toutes les facilités nécessaires», mais nombre de saharaouis qu'elle devait interviewer ont cependant été « empêchés par les forces de l'ordre marocaines d'accéder au lieu de la réunion». Ils ont été victimes «d'intimidations et mauvais traitements» et il y a eu même un cas de kidnapping pendant une nuit.
Des témoignages reçus, la délégation constate des «atteintes récurrentes aux droits de l'homme, notamment à la liberté d'expression, d'association, de manifestation de communication etc». Quant au fonctionnement de la justice il est biaisé car la législation marocaine sanctionne «les atteintes à l'intégrité territoriale » qui souvent ne sont que des simples prises de position indépendantistes.
Aussi les eurodéputés demandent-t-ils au Maroc «la suppression des sanctions basées sur l'atteinte de l'intégrité territoriale » et que les plaintes contre les policiers déposées devant la justice par les indépendantistes fassent l'objet d'un suivi. Ils invitent la représentation de la Commission Européenne à Rabat à « dépêcher des observateurs aux procès impliquant les militants saharaouis». Ils suggèrent, enfin, à Rabat de désigner un lieu à El Ayoun ou les manifestations puissent se dérouler librement.
Le rapport est moins critique sur la situation dans les camps contrôlés par le Front Polisario qui «s'est montré d'une extrême disponibilité» -l'Algérie, en revanche, a refusé tout contact- au point de se déclarer prêt à accueillir une délégation européenne « tous les trois ou six mois». Human Rights Watch et le Haut Commissariat aux Droits de l'Homme étaient, eux aussi, moins sévères envers le mouvement indépendantiste.
«Les tensions sporadiquement observées dans les camps ne sont guères étonnantes eu égard des conditions de vie extrêmement précaires » qui y règnent, signale la délégation. Ces conditions pénibles sont, en partie, dues à ce que les dirigeants du Polisario «redoutent que le développement d'un début d'infrastructure soit interprété par la population saharaoui comme un enracinement et, donc, un renoncement à la perspective d'un retour au pays».
Le principal reproche que font les eurodéputés au Polisario concerne également « le milieu judicaire et carcéral (...) qui demeurent très opaques ». «Les modalités de déroulement des procès ne sont pas claires ; des véritables interrogations demeurent en outre quant au code de procédure pénale utilisé ou encore sur le respect des droits de la défense».
La dernière colonie d'Afrique
Depuis 1975, trois quarts du territoire du Sahara Occidental sont occupés par le Maroc. Une grande partie de la population originale vit encore dans des campements de réfugiés en Algérie. Ceux qui restaient dans leur pays originaire, sont subis aux violations graves des droits de l'homme, perpétrées par l'occupant marocain. Depuis plus de 40 ans les Sahraouis attendent l'exercice de leur droit légitime à l'autodétermination.
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